dimanche 5 novembre 2017

Catalogne: Défendre l’État de droit dans l’Union européenne - Lettre ouverte au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et au président du Conseil européen Donald Tusk

Catalogne: Défendre l’État de droit dans l’Union européenne 
Dans une lettre ouverte au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et au président du Conseil européen Donald Tusk, plus de 190 universitaires, politiques, intellectuels et élus européens et américains s'inquiètent de la situation politique et du laisser-faire européen, face à « la façon dont les autorités espagnoles ont répondu aux demandes d’indépendance exprimées par une partie significative de la population de Catalogne », qui constitue selon eux « une violation de l’État de droit ».

Cher président Juncker, cher président Tusk,
Nous sommes des universitaires, des politiciens, des intellectuels et des députés européens qui vous écrivons avec cette inquiétude :
L’Union européenne a proclamé comme un principe général que ses États membres doivent respecter l’État de droit et l’ensemble des droits fondamentaux (articles 2 et 6 du traité de Lisbonne). La direction de l’UE a été un protecteur inébranlable de ces normes fondamentales, récemment encore en s’opposant à la tentative du gouvernement polonais de réduire l’indépendance des juges ainsi qu’aux actions du gouvernement hongrois pour réduire les libertés des médias et de la société civile.
Or nous sommes aujourd’hui profondément inquiets de voir que les instances dirigeantes de l’UE ferment les yeux sur la violation de l’État de droit en Espagne, en particulier en ce qui concerne l’approche des autorités centrales espagnoles concernant le référendum sur l’indépendance catalane du 1er octobre. Nous ne prenons pas partie politiquement sur la substance du différend concernant la souveraineté territoriale et nous avons connaissance des défauts de procédure observables dans l’organisation du référendum. Notre inquiétude concerne l’État de droit tel qu’il est appliqué par un des État membre de l’UE.
Le gouvernement espagnol a justifié son action par la défense ou la restauration de l’ordre constitutionnel. L’Union a déclaré qu’il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Espagne. La question de la souveraineté nationale relève en effet de la politique intérieure dans les démocraties libérales. Pourtant, la façon dont les autorités espagnoles ont répondu aux demandes d’indépendance exprimées par une partie significative de la population de Catalogne constitue une violation de l’État de droit en ce que :
1/ le Tribunal constitutionnel espagnol (TC) a interdit le référendum sur l’indépendance catalane prévu le 1er octobre, ainsi que la session du parlement catalan prévu le 9 octobre, au motif que ces actions annoncées violaient l’article 2 de la constitution espagnole qui stipule l’unité indissoluble de la nation espagnole, ce qui rend la sécession illégale. Cependant, en appliquant de cette façon l’article 2, le Tribunal a violé les dispositions constitutionnelles concernant la liberté de parole et de réunion pacifique. Ces deux principes sont incarnés par les référendums et les délibérations parlementaires quels que soient leurs sujets spécifiques. Sans interférer dans les conflits constitutionnels espagnols ou dans l’application du code pénal espagnol, nous notons qu’appliquer une disposition constitutionnelle en violant des droits fondamentaux relève de la parodie de justice. Ainsi, les décisions du Tribunal et les actions du gouvernement espagnol pour lesquelles ces décisions ont fourni une base légale violent à la fois l’esprit et la lettre de l’État de droit.
2/ Dans les jours précédant le référendum, les autorités espagnoles ont pris une série de mesures répressives contre des fonctionnaires, des députés, des maires, des médias, des entreprises et des citoyens. La coupure du réseau Internet et d’autres réseaux de télécommunication durant et après la campagne du référendum a eu de sévères conséquences sur l’exercice de la liberté d’expression.
3/ Le jour du référendum, la police espagnole a employé une force excessive et la violence contre des votants et des manifestants pacifiques, selon Human Rights Watch. Un tel usage disproportionné de la force constitue un indiscutable abus de pouvoir dans la mise en œuvre du respect de la loi.
4/ l’arrestation et l’emprisonnement le 16 octobre des activistes Jordi Cuixart et Jordi Sànchez (présidents, respectivement de l’Assemblée nationale catalane et d’Omnium Cultural), accusés de sédition, constitue une erreur judiciaire. Les faits conduisant à cette incrimination ne peuvent pas être qualifiés de sédition, mais plutôt d’exercice du libre droit de manifester publiquement et pacifiquement, selon l’article 21 de la constitution espagnole.
Le gouvernement espagnol, dans son effort pour sauvegarder la souveraineté de l’État et l’indivisibilité de la nation, a violé les droits et les libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme, par la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que par les articles 2 et 6 de la loi fondamentale de l’UE (le traité de Lisbonne). La violation des droits et libertés fondamentaux protégés par le droit international et celui de l’UE ne peut constituer une affaire interne d’aucun gouvernement. Le silence de l’UE et son refus d’imaginer une médiation sont injustifiables.
Les actions du gouvernement espagnol ne peuvent être justifiées par la protection de l’État de droit, même si elles sont fondées sur des dispositions juridiques spécifiques. Contrairement au simple gouvernement par la loi (où les normes sont promulguées par une procédure légale correcte ou issues d’une autorité publique), l’État de droit implique aussi la protection des droits et libertés fondamentaux. Il s’agit alors de normes qui rendent la loi contraignante non pas simplement parce que les procédures sont correctes, mais parce qu’elles garantissent la justice. C’est l’État de droit ainsi compris qui fournit la légitimité de l’autorité publique dans les démocraties libérales.
Nous appelons donc la Commission à examiner la situation en Espagne dans le cadre du respect de l’État de droit, ainsi qu’il a été fait auparavant pour d’autres États membres.
La direction de l’UE a répété que la violence ne peut pas être un instrument politique, et pourtant, elle a fermé les yeux sur les actions de la police espagnole et a jugé que les actions du gouvernement espagnol étaient en conformité avec l’État de droit. Une telle version réduite et mutilée de l’État de droit ne devrait pas devenir le nouveau consensus politique de l’Europe. C’est dangereux et risque d’endommager l’Union de façon durable. En conséquence, nous appelons le Conseil européen et la Commission à faire tout ce qui est nécessaire pour rétablir le principe de l’État de droit dans son statut fondateur d’une démocratie européenne en s’opposant à toute forme d’abus de pouvoir commis par les États membres. Sans cela, et sans un sérieux effort de médiation politique, l’UE risque de perdre la confiance et l’obéissance aux lois de ses citoyens.
La crise s’est, entre-temps, encore aggravée (des membres du gouvernement catalan ont été emprisonnés et un mandat d’arrêt a été établi à l’encontre de M. Puigdemont). Nous suivons de près la situation en ayant à l’esprit les intérêts de la démocratie en Catalogne, en Espagne et en Europe, car ils ne peuvent être séparés, et nous insistons d’autant plus sur l’importance pour l’UE de contrôler le respect des libertés fondamentales par toutes les parties.
A l'initiative de Albena Azmanova (University of Kent) et Barbara Spinelli (écrivain et membre du Parlement européen).


Etienne Balibar, université Paris Nanterre and Kingston University London
David Gow, editor, Social Europe
Kalypso Nicolaidis, Oxford University, Director of the Center for International Studies
Mark Davis, University of Leeds, Founding Director of the Bauman Institute
Cristina Lafont, Northwestern University (Spanish citizen)
Ash Amin, Cambridge University
Yanis Varoufakis, DiEM25 co-founder
Rosemary Bechler, editor, openDemocracy
Gustavo Zagrebelsky professor of constitutional law, University of Turin
Antonio Negri, Philosopher, Euronomade platform
Costas Douzinas, Birkbeck, University of London
Robert Menasse, writer, Austria
Dimitrios Papadimoulis, Vice President of the European Parliament (GUE-NGL)
Ulrike Guérot, Danube University Krems, Austria & Founder of the European Democracy Lab, Berlin
Judith Butler, University of California, Berkeley and European Graduate School, Switzerland
Philip Pettit, University Center for Human Values, Princeton University (Irish citizen)
Josep-Maria Terricabras, Member of European Parliament (Greens/EFA)
Hauke Brunkhorst, University of Flensburg
Judit Carrera, Centre for Contemporary Culture of Barcelona
Gabriele Zimmer, Member of European Parliament (President, GUE/NGL)
Philippe Schmitter, European University Institute, Florence
Bart Staes, Member of European Parliament (Flemish Greens)
Marie-Christine Vergiat, Member of European Parliament (GUE-NGL)
Jón Baldvin Hannibalsson, former minister for foreign affairs and external trade of Iceland 
Diana Wallis, former Vice President of the European Parliament
Craig Calhoun, President, Berggruen Institute; Centennial Professor at the London School of Economics and Political Science (LSE)
Jane Mansbridge, Kennedy School of Government, Harvard University
Josu Juaristi Abaunz, Member of European Parliament (GUE-NGL)
Alyn Smith, Member of the European Parliament (Greens/EFA)
Thor Gylfason, University of Iceland and Research Fellow at CESifo, Munich/former member Iceland Constitutional Council 2011
Jordi Solé, Member of European Parliament (Greens/EFA)
Judith Revel, Université Paris Nanterre
Seyla Benhabib, Yale University; Catedra Ferrater Mora Distinguished Professor in Girona (2005)
Arjun Appadurai, Institute for European Ethnology, Humboldt University, Berlin
Susan Buck-Morss, CUNY Graduate Center and Cornell University
Ramon Tremosa i Balcells, Member of European Parliament (Alde)
Anastasia Nesvetailova, Director, City Political Economy Research Centre, City University of London
Nancy Fraser, The New School for Social Research, New York (International Research Chair in Social Justice, Collège d’études mondiales, Paris, 2011-2016)
Jill Evans, Member of the European Parliament (Greens/EFA)
Regina Kreide, Justus Liebig University, Giessen
Jodi Dean, Hobart and William Smith Colleges, Geneva NY
Tatjana Zdnoka, Member of the European Parliament (Greens/EFA)
Wendy Brown, University of California, Berkley
Roberta De Monticelli, University San Raffaele, Milan.
Sophie Wahnich, directrice de recherche CNRS, Paris
Christoph Menke, University of Potsdam, Germany
Tanja Fajon, Member of the European Parliament (S&D)
Robin Celikates, University of Amsterdam 
Eric Fassin, Université Paris-8 Vincennes - Saint-Denis
Paul Molac, Member of the French Parliament (écologiste)
Alexis Cukier, Université Paris Nanterre
Diogo Sardinha, university Paris/Lisbon
Luke Ming Flanagan, Member of the European Parliament (GUE-NGL)
Dario Castiglione, University of Exeter
Hamit Bozarslan, EHESS, Paris
Frieder Otto Wolf, Freie Universität Berlin
Gerard Delanty, University of Sussex
Boaventura de Sousa Santos, Coimbra University and University of Wisconsin-Madison
Sandro Mezzadra, Università di Bologna
Camille Louis, University of Paris 8 and Paris D
Philippe Aigrain, writer and publisher
Yann Moulier Boutang and Frederic Brun, Multitudes journal
Anne Querrien and Yves Citton, Multitudes journal
Bruce Robbins, Columbia University
Michèle Riot-Sarcey, université Paris-VIII-Saint-Denis
Zeynep Gambetti, Bogazici University, Istanbul (French citizen)
Andrea den Boer, University of Kent, Editor-in-Chief, Global Society: Journal of Interdisciplinary International Relations
Moni Ovadia, writer and theatre performer
Merja Kyllönen, Member of the European Parliament (GUE/NGL)
Guillaume Sibertin-Blanc, Université Paris 8 Saint-Denis 
Peter Osborne, Centre for Research in Modern European Philosophy, Kingston University, London
Ilaria Possenti, University of Verona
Nicola Lampitelli, University of Tours, France
Yutaka Arai, University of Kent
Enzo Rossi, University of Amsterdam, Co-editor, European Journal of Political Theory
Petko Azmanov, journalist, Bulgaria
Etienne Tassin, Université Paris Diderot
Lynne Segal, Birkbeck College, University of London
Danny Dorling, University of Oxford 
Maggie Mellon, social policy consultant, former executive member Women for Independence 
Vanessa Glynn, Former UK diplomat at UKRep to EU
Alex Orr, exec mbr, Scottish National Party/European Movement in Scotland
Bob Tait, philosopher, ex-chair Langstane Housing Association, Aberdeen 
Isobel Murray, Aberdeen University
Grahame Smith, general secretary, Scottish Trades Union Congress
Igor Šoltes, Member of the European Parliament (Greens/EFA)
Pritam Singh, Oxford Brookes University
John Weeks, SOAS, University of London 
Jordi Angusto, economist at Fundació Catalunya-Europa 
Leslie Huckfield, ex-Labour MP, Glasgow Caledonian University
Ugo Marani, University of Naples Federico II and President of RESeT 
Gustav Horn, Scientific Director of the Macroeconomic Policy Institute of the Hans Böckler Stiftung 
Chris Silver, journalist/author 
François Alfonsi, President of EFA (European Free Alliance)
James Mitchell, Edinburgh University
Harry Marsh, retired charity CEO 
Desmond Cohen, former Dean, School of Social Sciences at Sussex University
Yan Islam, Griffith Asia Institute
David Whyte, University of Liverpool
Katy Wright, University of Leeds
Adam Formby, University of Leeds 
Nick Piper, University of Leeds
Matilde Massó Lago, The University of A Coruña and University of Leeds
Jim Phillips, University of Glasgow
Rizwaan Sabir, Liverpool John Moores University
Pablo Ciocchini, University of Liverpool
Feyzi Ismail, SOAS, University of London
Kirsteen Paton, University of Liverpool
Stefanie Khoury, University of Liverpool 
Xavier Rubio-Campillo, University of Edinburgh
Joe Sim, Liverpool John Moores University
Paul Molac, Member of the French Parliament
Hannah Wilkinson, University of Keele
Gareth Dale, Brunel University
Robbie Turner, University of St Andrews
Will Jackson, Liverpool John Moores University
Louise Kowalska, ILTUS Ruskin University
Alexia Grosjean, Honorary member, School of History, University of St Andrews
Takis Hadjigeorgiou, Member of the European Parliament (GUE-NGL)
Paul McFadden, York University
Matthias E. Storme, Catholic University of Leuven
Phil Scraton, Queen's University Belfast
Oscar Berglund, University of Bristol
Michael Lavalette, Liverpool Hope University
Owen Worth, University of Limerick
Ronnie Lippens, Keele University
Zoë Dingwall, political adviser EFA (European Free Alliance)
Andrew Watterson, Stirling University
Steve Tombs, The Open University
Emily Luise Hart, University of Liverpool
David Scott, The Open University
Anders Eriksson, bureau EFA (European Free Alliance), European Parliament
Bill Bowring, Birkbeck College, University of London
Sofa Gradin, King’s College London
Michael Harrison, University of South Wales
Ana Manzano-Santaella, University of Leeds
Noëlle McAfee, Emory University
Peter J. Verovšek, University of Sheffield 
Peter Dews, University of Essex
Martin Matuštík, Arizona State University
Camil Ungureanu, Pompeu Fabra University, Barcelona 
Dafydd Huw Rees , Cardiff University
Patrick Le Hyaric, Member of the European Parliament (GUE-NGL)
Hans-Peter Krüger, University of Potsdam 
Loren Goldman, University of Pennsylvania
Federica Gregoratto, University of St.Gallen
Rurion Soares Melo, Universidade de São Paulo
Pieter Duvenage, Cardiff University and editor, Journal for Contemporary History
Chad Kautzer, Lehigh University
Peter A. Kraus, University of Augsburg
David Ingram, Loyola University  of Chicago
Alain-G. Gagnon, Université du Québec à Montréal
Peter Bußjäger, Institut für Föderalismus, Innsbruck
Nelly Maes, Former Member of the European Parliament, former President of European Free Alliance
Helmut Scholz, Member of the European Parliament (GUE/NGL)
Michel Seymour, Université de Montréal
Simon Toubeau, University of Nottingham
Georg Kremnitz, Universität Wien
Keith Gerard Breen, Queen’s University Belfast
Alan Price, Swansea University
Fernando Ramallo, Universidade de Vigo
Nicolas Levrat, University of Geneva, Director of the International Law Department
Jordi Matas, Professor of Political Science, University of Barcelona
Simon Toubeau, University of Nottingham
María Pilar García Negro, University of Coruña
María do Carme García Negro, University of Santiago de Compostela
Francisco Rodríguez, writer
Carme Fernández Pérez-Sanjulián, University of Coruña
Patrice Poujade, Université de Perpignan
Colin H Williams, Cardiff and Cambridge  University
Nicolas Berjoan, Université de Perpignan
Joan Peitavi, Université de Perpignan
Alà Baylac-Ferrer, Université de Perpignan
Guglielmo Cevolin, University of Udine
Robert Louvin, Professor of Comparatve Law, University of Calabria
Günther Dauwen, Secretary General of the Centre Maurits Coppieters
Bart Maddens, Catholic University of Leuven
Alan Sandry, Swansea University
Justo Serrano Zamora, Bavarian School of Public Policy
Ivo Vajgl, Member of the European Parliament (Alde)
Alberto Aziz Nassif, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social, México
Sandrina Antunes, University of Minho, Portugal
Pablo Beramendi, Duke University
Nico Krisch, Graduate Institute of International and Development Studies, Geneva
Miguel Urbán Crespo, Member of the European Parliament (GUE/NGL)
Yasha Maccanico, University of Bristol and "Statewatch"
Richard Norton-Taylor writer on defence and security, trustee of Liberty
Thierry Dominic, l'Université de Bordeaux
Paola Pietrandrea, Université François Rabelais de Tours and DiEM25
Josep Ramoneda, philosopher and writer, Spain/Catalonia