Catalogne: Défendre l’État de droit dans l’Union européenne
Dans une
lettre ouverte au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et
au président du Conseil européen Donald Tusk, plus de 190 universitaires,
politiques, intellectuels et élus européens et américains s'inquiètent de la
situation politique et du laisser-faire européen, face à « la façon dont
les autorités espagnoles ont répondu aux demandes d’indépendance exprimées par
une partie significative de la population de Catalogne », qui constitue
selon eux « une violation de l’État de droit ».
Cher président Juncker, cher président Tusk,
Nous sommes des universitaires, des politiciens, des
intellectuels et des députés européens qui vous écrivons avec cette
inquiétude :
L’Union européenne a proclamé comme un principe
général que ses États membres doivent respecter l’État de droit et l’ensemble
des droits fondamentaux (articles 2 et 6 du traité de Lisbonne). La direction
de l’UE a été un protecteur inébranlable de ces normes fondamentales, récemment
encore en s’opposant à la tentative du gouvernement polonais de réduire
l’indépendance des juges ainsi qu’aux actions du gouvernement hongrois pour
réduire les libertés des médias et de la société civile.
Or nous sommes aujourd’hui profondément inquiets de
voir que les instances dirigeantes de l’UE ferment les yeux sur la violation de
l’État de droit en Espagne, en particulier en ce qui concerne l’approche des
autorités centrales espagnoles concernant le référendum sur l’indépendance
catalane du 1er octobre. Nous ne prenons pas partie politiquement
sur la substance du différend concernant la souveraineté territoriale et nous
avons connaissance des défauts de procédure observables dans l’organisation du
référendum. Notre inquiétude concerne l’État de droit tel qu’il est appliqué
par un des État membre de l’UE.
Le gouvernement espagnol a justifié son action par la
défense ou la restauration de l’ordre constitutionnel. L’Union a déclaré qu’il
s’agissait d’une affaire intérieure à l’Espagne. La question de la souveraineté
nationale relève en effet de la politique intérieure dans les démocraties
libérales. Pourtant, la façon dont les autorités espagnoles ont répondu
aux demandes d’indépendance exprimées par une partie significative de la
population de Catalogne constitue une violation de l’État de droit en ce
que :
1/ le Tribunal constitutionnel espagnol (TC) a
interdit le référendum sur l’indépendance catalane prévu le 1er
octobre, ainsi que la session du parlement catalan prévu le 9 octobre, au motif
que ces actions annoncées violaient l’article 2 de la constitution espagnole
qui stipule l’unité indissoluble de la nation espagnole, ce qui rend la
sécession illégale. Cependant, en appliquant de cette façon l’article 2, le
Tribunal a violé les dispositions constitutionnelles concernant la liberté de
parole et de réunion pacifique. Ces deux principes sont incarnés par les
référendums et les délibérations parlementaires quels que soient leurs sujets
spécifiques. Sans interférer dans les conflits constitutionnels espagnols ou
dans l’application du code pénal espagnol, nous notons qu’appliquer une
disposition constitutionnelle en violant des droits fondamentaux relève de la
parodie de justice. Ainsi, les décisions du Tribunal et les actions du
gouvernement espagnol pour lesquelles ces décisions ont fourni une base légale
violent à la fois l’esprit et la lettre de l’État de droit.
2/ Dans les jours précédant le référendum, les
autorités espagnoles ont pris une série de mesures répressives contre des
fonctionnaires, des députés, des maires, des médias, des entreprises et des
citoyens. La coupure du réseau Internet et d’autres réseaux de
télécommunication durant et après la campagne du référendum a eu de sévères
conséquences sur l’exercice de la liberté d’expression.
3/ Le jour du référendum, la police espagnole a
employé une force excessive et la violence contre des votants et des
manifestants pacifiques, selon Human Rights Watch. Un tel usage disproportionné
de la force constitue un indiscutable abus de pouvoir dans la mise en œuvre du
respect de la loi.
4/ l’arrestation et l’emprisonnement le 16 octobre des
activistes Jordi Cuixart et Jordi Sànchez (présidents, respectivement de
l’Assemblée nationale catalane et d’Omnium Cultural), accusés de sédition,
constitue une erreur judiciaire. Les faits conduisant à cette incrimination ne
peuvent pas être qualifiés de sédition, mais plutôt d’exercice du libre droit
de manifester publiquement et pacifiquement, selon l’article 21 de la
constitution espagnole.
Le gouvernement espagnol, dans son effort pour
sauvegarder la souveraineté de l’État et l’indivisibilité de la nation, a violé
les droits et les libertés fondamentaux garantis par la Convention européenne
des droits de l'homme, par la Déclaration universelle des droits de l’homme
ainsi que par les articles 2 et 6 de la loi fondamentale de l’UE (le traité de
Lisbonne). La violation des droits et libertés fondamentaux protégés par le
droit international et celui de l’UE ne peut constituer une affaire interne
d’aucun gouvernement. Le silence de l’UE et son refus d’imaginer une médiation
sont injustifiables.
Les actions du gouvernement espagnol ne peuvent être
justifiées par la protection de l’État de droit, même si elles sont fondées sur
des dispositions juridiques spécifiques. Contrairement au simple gouvernement
par la loi (où les normes sont promulguées par une procédure légale correcte ou
issues d’une autorité publique), l’État de droit implique aussi la protection
des droits et libertés fondamentaux. Il s’agit alors de normes qui rendent la
loi contraignante non pas simplement parce que les procédures sont correctes,
mais parce qu’elles garantissent la justice. C’est l’État de droit ainsi
compris qui fournit la légitimité de l’autorité publique dans les démocraties
libérales.
Nous appelons donc la Commission à examiner la
situation en Espagne dans le cadre du respect de l’État de droit, ainsi qu’il a
été fait auparavant pour d’autres États membres.
La direction de l’UE a répété que la violence ne peut
pas être un instrument politique, et pourtant, elle a fermé les yeux sur les
actions de la police espagnole et a jugé que les actions du gouvernement
espagnol étaient en conformité avec l’État de droit. Une telle version réduite
et mutilée de l’État de droit ne devrait pas devenir le nouveau consensus
politique de l’Europe. C’est dangereux et risque d’endommager l’Union de façon
durable. En conséquence, nous appelons le Conseil européen et la Commission à
faire tout ce qui est nécessaire pour rétablir le principe de l’État de droit
dans son statut fondateur d’une démocratie européenne en s’opposant à toute
forme d’abus de pouvoir commis par les États membres. Sans cela, et sans un
sérieux effort de médiation politique, l’UE risque de perdre la confiance et
l’obéissance aux lois de ses citoyens.
La crise s’est, entre-temps, encore aggravée (des
membres du gouvernement catalan ont été emprisonnés et un mandat d’arrêt a été
établi à l’encontre de M. Puigdemont). Nous suivons de près la situation en
ayant à l’esprit les intérêts de la démocratie en Catalogne, en Espagne et en
Europe, car ils ne peuvent être séparés, et nous insistons d’autant plus sur
l’importance pour l’UE de contrôler le respect des libertés fondamentales par
toutes les parties.
A l'initiative de Albena Azmanova
(University of Kent) et Barbara Spinelli (écrivain et membre du
Parlement européen).
Etienne Balibar, université
Paris Nanterre and Kingston University London
David Gow, editor, Social
Europe
Kalypso Nicolaidis, Oxford
University, Director of the Center for International Studies
Mark Davis, University of
Leeds, Founding Director of the Bauman Institute
Cristina Lafont, Northwestern
University (Spanish citizen)
Ash Amin, Cambridge University
Yanis Varoufakis, DiEM25
co-founder
Rosemary Bechler, editor,
openDemocracy
Gustavo Zagrebelsky professor
of constitutional law, University of Turin
Antonio Negri, Philosopher,
Euronomade platform
Costas Douzinas, Birkbeck,
University of London
Robert Menasse, writer,
Austria
Dimitrios Papadimoulis, Vice
President of the European Parliament (GUE-NGL)
Ulrike Guérot, Danube
University Krems, Austria & Founder of the European Democracy Lab, Berlin
Judith Butler, University
of California, Berkeley and European Graduate School, Switzerland
Philip Pettit, University
Center for Human Values, Princeton University (Irish citizen)
Josep-Maria Terricabras,
Member of European Parliament (Greens/EFA)
Hauke Brunkhorst, University
of Flensburg
Judit Carrera, Centre for
Contemporary Culture of Barcelona
Gabriele Zimmer, Member of
European Parliament (President, GUE/NGL)
Philippe Schmitter, European
University Institute, Florence
Bart Staes, Member of European
Parliament (Flemish Greens)
Marie-Christine Vergiat, Member
of European Parliament (GUE-NGL)
Jón Baldvin Hannibalsson,
former minister for foreign affairs and external trade of Iceland
Diana Wallis, former Vice
President of the European Parliament
Craig Calhoun, President,
Berggruen Institute; Centennial Professor at the London School of Economics and
Political Science (LSE)
Jane Mansbridge, Kennedy
School of Government, Harvard University
Josu Juaristi Abaunz, Member
of European Parliament (GUE-NGL)
Alyn Smith, Member of the
European Parliament (Greens/EFA)
Thor Gylfason, University of
Iceland and Research Fellow at CESifo, Munich/former member Iceland
Constitutional Council 2011
Jordi Solé, Member of European
Parliament (Greens/EFA)
Judith Revel, Université Paris
Nanterre
Seyla Benhabib, Yale
University; Catedra Ferrater Mora Distinguished Professor in Girona (2005)
Arjun Appadurai, Institute for
European Ethnology, Humboldt University, Berlin
Susan Buck-Morss, CUNY
Graduate Center and Cornell University
Ramon Tremosa i Balcells,
Member of European Parliament (Alde)
Anastasia Nesvetailova,
Director, City Political Economy Research Centre, City University of London
Nancy Fraser, The New School
for Social Research, New York (International Research Chair in Social Justice,
Collège d’études mondiales, Paris, 2011-2016)
Jill Evans, Member of the
European Parliament (Greens/EFA)
Regina Kreide, Justus Liebig
University, Giessen
Jodi Dean, Hobart and William
Smith Colleges, Geneva NY
Tatjana Zdnoka, Member of the
European Parliament (Greens/EFA)
Wendy Brown, University of
California, Berkley
Roberta De
Monticelli, University San Raffaele, Milan.
Sophie
Wahnich, directrice de recherche CNRS, Paris
Christoph Menke, University of
Potsdam, Germany
Tanja Fajon, Member of the
European Parliament (S&D)
Robin Celikates, University of
Amsterdam
Eric Fassin, Université
Paris-8 Vincennes - Saint-Denis
Paul Molac, Member of the
French Parliament (écologiste)
Alexis
Cukier, Université Paris Nanterre
Diogo
Sardinha, university Paris/Lisbon
Luke Ming Flanagan, Member of
the European Parliament (GUE-NGL)
Dario Castiglione, University
of Exeter
Hamit Bozarslan, EHESS, Paris
Frieder Otto Wolf, Freie
Universität Berlin
Gerard Delanty, University of
Sussex
Boaventura de Sousa Santos,
Coimbra University and University of Wisconsin-Madison
Sandro Mezzadra, Università di
Bologna
Camille Louis, University of
Paris 8 and Paris D
Philippe Aigrain, writer and
publisher
Yann Moulier Boutang and
Frederic Brun, Multitudes journal
Anne
Querrien and Yves Citton, Multitudes journal
Bruce Robbins, Columbia
University
Michèle Riot-Sarcey,
université Paris-VIII-Saint-Denis
Zeynep Gambetti, Bogazici
University, Istanbul (French citizen)
Andrea den Boer, University of
Kent, Editor-in-Chief, Global Society: Journal of Interdisciplinary International
Relations
Moni Ovadia, writer and
theatre performer
Merja Kyllönen, Member of the
European Parliament (GUE/NGL)
Guillaume
Sibertin-Blanc, Université Paris 8 Saint-Denis
Peter Osborne, Centre for
Research in Modern European Philosophy, Kingston University, London
Ilaria Possenti, University of
Verona
Nicola Lampitelli, University
of Tours, France
Yutaka Arai, University of
Kent
Enzo Rossi, University of
Amsterdam, Co-editor, European Journal of Political Theory
Petko
Azmanov, journalist, Bulgaria
Etienne
Tassin, Université Paris Diderot
Lynne Segal, Birkbeck College,
University of London
Danny Dorling, University of
Oxford
Maggie Mellon, social policy
consultant, former executive member Women for Independence
Vanessa Glynn, Former UK
diplomat at UKRep to EU
Alex Orr, exec mbr, Scottish
National Party/European Movement in Scotland
Bob Tait, philosopher,
ex-chair Langstane Housing Association, Aberdeen
Isobel Murray, Aberdeen
University
Grahame Smith, general
secretary, Scottish Trades Union Congress
Igor Šoltes, Member of the
European Parliament (Greens/EFA)
Pritam Singh, Oxford Brookes
University
John Weeks, SOAS, University
of London
Jordi Angusto, economist at
Fundació Catalunya-Europa
Leslie Huckfield, ex-Labour
MP, Glasgow Caledonian University
Ugo Marani, University of
Naples Federico II and President of RESeT
Gustav Horn, Scientific
Director of the Macroeconomic Policy Institute of the Hans Böckler
Stiftung
Chris Silver,
journalist/author
François Alfonsi, President of
EFA (European Free Alliance)
James Mitchell, Edinburgh
University
Harry Marsh, retired charity
CEO
Desmond Cohen, former Dean,
School of Social Sciences at Sussex University
Yan Islam, Griffith Asia
Institute
David Whyte, University of
Liverpool
Katy Wright, University of
Leeds
Adam Formby, University of
Leeds
Nick Piper, University of
Leeds
Matilde Massó Lago, The
University of A Coruña and University of Leeds
Jim Phillips, University of
Glasgow
Rizwaan Sabir, Liverpool John
Moores University
Pablo Ciocchini, University of
Liverpool
Feyzi Ismail, SOAS, University
of London
Kirsteen Paton, University of
Liverpool
Stefanie Khoury, University of
Liverpool
Xavier Rubio-Campillo,
University of Edinburgh
Joe Sim, Liverpool John Moores
University
Paul Molac, Member of the
French Parliament
Hannah Wilkinson, University
of Keele
Gareth Dale, Brunel University
Robbie Turner, University of
St Andrews
Will Jackson, Liverpool John
Moores University
Louise Kowalska, ILTUS Ruskin
University
Alexia Grosjean, Honorary member,
School of History, University of St Andrews
Takis Hadjigeorgiou, Member of
the European Parliament (GUE-NGL)
Paul McFadden, York
University
Matthias E. Storme, Catholic
University of Leuven
Phil Scraton, Queen's
University Belfast
Oscar Berglund, University of
Bristol
Michael Lavalette, Liverpool
Hope University
Owen Worth, University of
Limerick
Ronnie Lippens, Keele
University
Zoë Dingwall, political
adviser EFA (European Free Alliance)
Andrew Watterson, Stirling
University
Steve Tombs, The Open University
Emily Luise Hart, University
of Liverpool
David Scott, The Open
University
Anders Eriksson, bureau EFA
(European Free Alliance), European Parliament
Bill Bowring, Birkbeck
College, University of London
Sofa Gradin, King’s College
London
Michael Harrison, University
of South Wales
Ana Manzano-Santaella,
University of Leeds
Noëlle McAfee, Emory
University
Peter J. Verovšek, University
of Sheffield
Peter Dews, University of
Essex
Martin Matuštík, Arizona State
University
Camil
Ungureanu, Pompeu Fabra University, Barcelona
Dafydd Huw Rees , Cardiff
University
Patrick Le Hyaric, Member of
the European Parliament (GUE-NGL)
Hans-Peter Krüger, University
of Potsdam
Loren
Goldman, University of Pennsylvania
Federica Gregoratto,
University of St.Gallen
Rurion
Soares Melo, Universidade de São Paulo
Pieter Duvenage, Cardiff
University and editor, Journal for Contemporary History
Chad Kautzer, Lehigh
University
Peter A. Kraus, University of
Augsburg
David Ingram, Loyola
University of Chicago
Alain-G. Gagnon,
Université du Québec à Montréal
Peter Bußjäger, Institut für
Föderalismus, Innsbruck
Nelly Maes, Former Member of
the European Parliament, former President of European Free Alliance
Helmut Scholz, Member of the
European Parliament (GUE/NGL)
Michel Seymour,
Université de Montréal
Simon
Toubeau, University of Nottingham
Georg Kremnitz, Universität
Wien
Keith Gerard Breen, Queen’s
University Belfast
Alan Price, Swansea University
Fernando Ramallo, Universidade
de Vigo
Nicolas Levrat, University of
Geneva, Director of the International Law Department
Jordi Matas, Professor of
Political Science, University of Barcelona
Simon Toubeau, University of
Nottingham
María Pilar García Negro,
University of Coruña
María do Carme García Negro,
University of Santiago de Compostela
Francisco Rodríguez, writer
Carme Fernández
Pérez-Sanjulián, University of Coruña
Patrice
Poujade, Université de Perpignan
Colin H Williams, Cardiff and
Cambridge University
Nicolas
Berjoan, Université de Perpignan
Joan
Peitavi, Université de Perpignan
Alà
Baylac-Ferrer, Université de Perpignan
Guglielmo Cevolin, University
of Udine
Robert Louvin, Professor of
Comparatve Law, University of Calabria
Günther Dauwen, Secretary
General of the Centre Maurits Coppieters
Bart Maddens, Catholic University
of Leuven
Alan Sandry, Swansea
University
Justo Serrano Zamora, Bavarian
School of Public Policy
Ivo Vajgl, Member of the
European Parliament (Alde)
Alberto Aziz
Nassif, Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social,
México
Sandrina Antunes, University
of Minho, Portugal
Pablo Beramendi, Duke
University
Nico Krisch, Graduate
Institute of International and Development Studies, Geneva
Miguel Urbán Crespo, Member of
the European Parliament (GUE/NGL)
Yasha Maccanico, University of
Bristol and "Statewatch"
Richard Norton-Taylor writer
on defence and security, trustee of Liberty
Thierry
Dominic, l'Université de Bordeaux
Paola
Pietrandrea, Université François Rabelais de Tours and DiEM25
Josep Ramoneda, philosopher
and writer, Spain/Catalonia