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Texte d'André PACCOU :
"Monsieur le Maire,
Chère Jeanine, Chère Anna-Maria, Cher Paul,
Mesdames et messieurs,
Il y a quelques jours, Monsieur le Maire, vous
précisiez dans la presse, le sens que vous souhaitiez donner à cette
cérémonie : « Honorer l’homme que fut Antoine Sollacaro ».
Evidemment, l’émotion, la douleur sont toujours
présentes. Mais vous avez raison. Il nous faut aller au-delà. Et répondre ainsi
au silence de l’institution judiciaire. Ne pas laisser les citoyens s’enfermer dans
ce silence avec le risque évident d’une banalisation et de l’oubli.
Il nous faut aller plus loin, dépasser la colère
qui nous habite encore et veiller à transmettre ce qu’Antoine nous a légué.
Transmettre notamment son incessant combat contre
l’arbitraire, de la cour de sûreté de l’Etat à la loi antiterroriste. Avec
Antoine, nous partagions une inquiétude, celle d’une contagion du droit
ordinaire par l’exception et des atteintes aggravées contre la justice et la
liberté.
Nous partagions aussi le constat d’une justice plus
sévère avec les pauvres. Antoine n’a jamais hésité à défendre certains d’entre
eux sans rien leur demander en retour parce qu’être avocat, c’était pour lui,
protéger les plus faibles, qu’ils soient d’ici ou qu’ils viennent d’ailleurs.
Le racisme lui était insupportable. Et lorsque
certains fantasmaient sur une Corse pure, alors il se mettait à gronder
« Corses, seriez-vous à ce point abâtardis, que vous soyez devenus
insensibles au malheur des autres ».
Ces plaidoiries avaient la même force. Elles
interpellaient les consciences bien au-delà du prétoire. Antoine avait l’âme
d’un dreyfusard.
Tel fut le sens de son engagement dans la cité et à
la ligue des droits de l’homme dont il fut le président en Corse au tournant
des années 2000, et son conseiller juridique jusqu’à son assassinat, mandat que
lui avait confié les instances nationales de la ligue.
Antoine était un homme libre, un homme éclairé et
généreux. C’était aussi un ami pour mes enfants, ma femme et moi-même avec ce
que cela signifie de fidélité, d’amour et de liens profonds et sincères avec
toi, Jeanine, avec toi Anna-Maria, avec toi Paul.
Désormais, Monsieur le Maire, lorsque j’arpenterai
cette rue, mon regard évidemment se portera vers la plaque qui porte le nom
d’Antoine. Et je verrai se dessiner, je vois déjà se dessiner son visage
souriant, Antoine savourant une nouvelle victoire contre l’injustice, pour la
dignité, celle d’avoir chassé des murs de notre bonne ville d’Ajaccio, un
général qui fut un oppresseur pour les Corses. Une fois de plus, un coup de
maître !"
Corse-Matin 04/02